Dossier : Médias, identité personnelle, mémoire collective


Pendant longtemps, la discussion sur les effets sociaux des médias s’est focalisée autour des « manipulations Â» dont ils auraient été l’instrument. À l’âge de la propagande politique, puis de la publicité commerciale, le modèle des stratégies d’influence, entre « bourrage de crâne Â» et « persuasion clandestine Â», paraissait indépassable. On est en train de s’apercevoir que les incidences profondes des médias, à l’heure de la démultiplication de leur puissance, ne se situent sans doute pas là où on les attendait. Ils agissent peut-être moins sur les idées des acteurs sociaux qu’ils ne changent les conditions de leur identité. L’irruption des émissions de « télé-réalité Â» a donné à voir que, au travers de ce spectacle, c’était un modèle de la présentation de soi, de la définition de soi en fonction du regard des autres qui était en train de s’imposer. Jean-Claude Kaufmann montre la portée de rupture de cette façon de se dire et de vivre en public. Pascal Duret et François de Singly analysent les modèles de socialisation des jeunes à l’œuvre dans deux émissions vedettes plébiscitées par les enfants et les parents. La vraie question à proposer aux médias pourrait bien être de ce qu’ils apprennent aux sociétés sans l’avoir cherché.

À la mesure de cette capacité de façonnement qu’on leur découvre, la question de l’archivage de ce foisonnement de sens et d’images devient plus aiguë. Elle est d’autant plus pressante que les supports utilisés jusqu’il y a peu s’effacent et exigent des mesures de sauvetage urgentes. Allons-nous consentir à perdre la mémoire de ce miroir par lequel passe désormais une part si importante de l’existence collective ? Que pourrait être à l’avenir la connaissance de notre société sans ces documents où l’esprit du temps a l’une de ses attestations les plus sûres ? À quoi bon tout conserver, en même temps, de ce flux quotidien, souvent trivial ou répétitif, dont le volume même rendra les archives inexploitables ? Mais alors, comment effectuer le tri ? Et que dire de l’Internet, dont le passé s’évanouit à mesure que le réseau s’étend ? Emmanuel Hoog dresse le tableau des dilemmes vertigineux qui s’ouvrent devant une société menacée de ne se souvenir de rien à force de multiplier les traces de son activité et les moyens de les sauvegarder.

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