Quelle évaluation ?

par Mireille Grange  Du même auteur

      Michel Leroux  Du même auteur

Quoi qu’en dise Mme Peretti, nous ne prétendons pas « évaluer le système éducatif à partir d’une douzaine de copies », mais bien évaluer les évaluateurs, en confrontant leur système à des productions écrites correspondant, selon les chiffres mêmes de notre contradicteur, à 10 à 20 % des nouveaux collégiens.

Les évaluateurs veulent, nous dit-on, nous aider. Est-ce dans cette intention qu’ils ont, en septembre 1999, imposé aux classes de seconde de la France entière la tâche d’analyser l’argumentation d’un texte qui, à défaut de comporter le moindre argument, proposait un festival de fautes d’orthographe ? C’est cependant sur des points beaucoup moins anecdotiques que nombre d’entre nous s’inquiètent du pouvoir croissant de l’évaluation.

Le premier concerne une idéologie mise en œuvre dès le primaire, qui emprunte au management la passion de décomposer l’activité intellectuelle et sociale des élèves en colonnes d’items où la désignation des compétences voisine avec la prescription des comportements. De là ces listes d’objectifs et ces naïfs graphiques où s’expose une vision de l’éducation gouvernée par un idéal productiviste. Nous renvoyons, sur ce thème, à l’ouvrage du sociologue Jean-Pierre Le Goff, La Barbarie douce (La Découverte, 1999).

En second lieu, l’omniprésente évaluation rétroagit gravement sur une réalité qu’elle prétend mesurer : les classes primaires s’y préparent avec une stérilité méthodique et, surtout, l’obsession de n’enseigner que des contenus objectivables est l’une des premières causes du dessèchement des études littéraires dans l’enseignement secondaire.

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