La double crise économique et écologique qui agite notre société relance le débat architectural latent depuis la fin des Trente Glorieuses et réactivé par les mutations récentes de l’espace public. Vrai débat ou querelle de style, les architectes comme les critiques se divisent sur la question de la visibilité du bâti : une architecture « spectaculaire », privilégiant les valeurs du star system et valorisant le geste architectural, s’opposerait à une architecture « modeste », qui donnerait la priorité au contexte et à l’invisible négociation avec les contraintes du programme et du site. C’est à l’approfondissement de cette discussion rendue plus indispensable que jamais par l’actualité que les réflexions rassemblées dans ce dossier voudraient contribuer.

Claude Franck dénonce la réduction des œuvres architecturales à un monde d’objets stéréotypés assimilables à des marchandises et ne visant que la mise en scène, tandis qu’Olivier Dufau prédit la disparition pure et simple du métier d’architecte et son remplacement par un processus industrialisé et mondialisé.

Guy Desgrandchamps met en lumière, au milieu de la déroute de la pensée architecturale, les signes d’un retour à plus de modestie et aux valeurs fondamentales de l’architecture. Dans le même sens, Cynthia Ghorra-Gobin diagnostique une possible réhabilitation du « chaos urbain » sous la double pression du développement durable et de l’attractivité économique. Pierre Lajus rappelle pour sa part que la forme de nos villes a été façonnée par l’automobile et la grande distribution et que nos changements de comportement pourraient leur donner à l’avenir un tout autre visage.

Gérard Monnier analyse en historien les polémiques architecturales ; il y voit la résurgence de valeurs partagées, à commencer par la croyance en l’architecture. Jacques Repiquet évoque le statut particulier de la maison individuelle, programme modeste par nature et à ce titre possible modérateur du débat architectural.

Autres articles du dossier De l'architecture spectacle à l'architecture de crise ?

• Claude Franck, « Un monde d'objets », p. 153-158
• Guy Desgrandchamps, « L'architecture et la question de la modestie », p. 159-162
• Gérard Monnier, « Vers la fin d'une croyance d'État », p. 163-169
• Cynthia Ghorra-Gobin, « L'architecte, la façade et le piéton », p. 170-174
• Olivier Dufau, « L'armoire à plans, fable industrielle et bureaucratique », p. 175-181
• Jacques Repiquet, « La maison, ou l'architecture confrontée à la vie », p. 182-186
• Pierre Lajus, « Développement durable cherche architecture », p. 187-192