Présentation

Il n’est plus guère question de « nature humaine ». La recherche de l’« essence de l’homme » n’est plus au programme, disqualifiée qu’elle a été par d’innombrables critiques. La question de l’homme n’en resurgit pas moins en d’autres termes, d’une autre façon. Paradoxalement, elle est ramenée à l’ordre du jour par la résurgence du point de vue naturaliste, sous l’aspect des renouvellements de la théorie de l’évolution et des avancées des neurosciences. Dans un premier temps, ces développements tendent à imposer l’idée que « l’homme est un animal comme les autres ». Dans un second temps, ils raniment la réflexion sur l’originalité de cet animal pas tout à fait ordinaire. Pour finir, le défi de la dissolution de la question de l’homme redonne une actualité à l’anthropologie philosophique. Ce sont les voies de cette relance que le présent dossier s’efforce de cerner.

Où situer, au juste, la bifurcation humaine par rapport à notre origine animale ' Quels enseignements tirer des connaissances acquises récemment au sujet du fonctionnement de l’esprit ' Francis Wolff, Krzysztof Pomian, Étienne Bimbenet et Joëlle Proust apportent chacun leur éclairage sur la façon de redéfinir la spécificité humaine.

Parmi les apports de la démarche naturaliste, il en est deux qui ont particulièrement contribué à ébranler les idées reçues, ceux qui concernent la morale et la politique. Et si, en fait, nous étions naturellement moraux ' Et si, au total, nos jeux de pouvoir ressemblaient furieusement à ceux que les primatologues observent au sein des bandes de grands singes ' Vanessa Nurock et Jean-Claude Monod présentent l’état de la question.

Hans Blumenberg hier, Peter Sloterdijk aujourd’hui : deux œuvres qui illustrent la vitalité continuée du courant de l’anthropologie philosophique. Étienne Bimbenet, Christian Sommer et Alexis Dirakis en proposent une analyse.

Nous joignons à l’ensemble, à titre de document, la traduction d’un article d’Helmuth Plessner, l’un des principaux auteurs de ce courant de l’anthropologie philosophique, tel qu’il s’est affirmé dans l’Allemagne des années 1920.