Présentation

L’extension des mouvements migratoires à la faveur de la mondialisation a eu pour effet d’accroître l’hétérogénéité des sociétés d’accueil et de relancer le problème de l’intégration à une échelle plus vaste. Un problème rendu plus complexe par le développement en parallèle, au sein de ces mêmes sociétés, d’un nouvel idéal démocratique faisant de la « diversité » une valeur et du droit de chaque individu à sa culture un principe devant être protégé. C’est de cette question du pluralisme culturel, de ses exigences et de ses limites que nos régimes sont en train de faire, en Europe, le laborieux apprentissage. Comment le fait de l’hétérogénéité culturelle peut-il et doit-il être traité en droit '

À la discussion des principes, objet d’une littérature abondante, nous avons préféré la voie de l’examen des expériences concrètes. Pays d’immigration par excellence, les États- Unis ont été pionniers en la matière. Denis Lacorne rappelle les conditions de la genèse de la notion même de multiculturalisme. Le voisin canadien présente, avec des caractéristiques communes, la particularité de compter, avec le Québec, une minorité culturelle d’un genre spécial, ce qui l’a conduit à élaborer des politiques originales. François Rocher en retrace la définition.

Mais à côté de ces exemples canoniques, il y a des situations singulières qui donnent à penser. Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky contraste ainsi les cas de l’Inde et du Brésil, qui illustrent deux manières très différentes de gérer une forte diversité interne. Israël offre l’exemple limite, qu’analyse Alain Dieckhoff, d’une réalité multiculturelle sans prolongement politique.

Nous revenons sur le terrain européen avec Willem Frijhoff. Les Pays-Bas sont sans doute le pays qui avait poussé le plus loin le projet multiculturaliste, ce qui rend la crise de celui-ci d’autant plus éloquente. Serge Tcherkézoff fait ressortir les difficultés de la notion de culture dans le miroir grossissant d’un territoire français d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie.

En France toujours, Richard Senghor revient sur les avatars de la « question noire », tandis que Peter Schneider dénonce la fascination que le programme multiculturel exerce sur une partie de la gauche allemande.

Après les études de cas, l’examen des politiques. Dominique Schnapper interroge les conditions de réalisation du projet multiculturaliste. Mathieu Bock-Côté en propose une interprétation de fond qui le situe dans la ligne des grandes idéologies du xxe siècle.

Les spécificités du modèle républicain français font en tout cas que ce projet suscite la polémique et divise les familles politiques, comme l’illustrent les deux discussions, d’abord entre Jean-Pierre Chevènement et Thierry Tuot, puis entre Laurent Bouvet et Alain Renaut, qui nous ont paru mériter d’être organisées autour du sujet.

Nous donnons à l’appui une étude d’Albert Bastenier sur le défi que représente l’hétérogénéité culturelle de ses publics pour l’école républicaine.