On oublie trop facilement, lorsqu’on parle de la « fin du communisme », la gigantesque exception que constitue la Chine. Non seulement le régime communiste subsiste, mais il ne paraît pas à la veille de disparaître. À la différence de l’ancienne U.R.S.S., il a su se réformer économiquement sans rien concéder d’essentiel sur le plan politique. Il s’est ouvert au capitalisme sans que l’hégémonie du Parti et du dogme en ait été ébranlée. Il en résulte un mariage pour le moins inattendu du « socialisme » et du « marché », un hybride sans précédent qui défie nos catégories courantes d’explication.
Comment comprendre ce «capitalisme léniniste », comme Jean-Luc Domenach suggère de l’appeler ? Selon quelle grille de lecture aborder ce processus d’innovation dans la conservation ? Quelles peuvent être les perspectives d’évolution de ce mixte apparemment solide de choses qu’on croyait antinomiques ? Yves Chevrier propose de replacer le phénomène dans la longue durée du processus de construction de l’État. La Révolution et le communisme ont eu pour particularité d’en représenter une étape dans l’histoire chinoise. Le régime actuel ne poursuivrait-il pas leur œuvre par d’autres moyens ? Michel Bonnin plaide pour une interprétation qui met en avant la plasticité du totalitarisme. Si considérables que soient les évolutions du régime, s’attache-t-il à montrer, elles s’inscrivent dans le cadre d’un système totalitaire maintenu.
Articles du dossier L'énigme chinoise
- Jean-Luc Domenach, « Un capitalisme léniniste ? Entretien »
- Yves Chevrier, « De la révolution à l'État par le communisme »
- Michel Bonnin, « Les métamorphoses du totalitarisme »