Chaque culture se fabrique sa vision de la multiplicité des cultures, maintenant qu’elles sont appelées à cohabiter. Il n’y a pas de formule unique du multiculturalisme, autrement dit, et ces formules diverses ont chacune leurs difficultés propres.
L’universalisme républicain, quoi qu’on en ait dit, n’a pas eu trop de peine, en dépit de sa phobie des « communautés », à s’accommoder de l’univers des identités. Mais le voici rattrapé, en revanche, par une question devant laquelle il est vulnérable, celle du passé colonial de la République et, au-delà encore, du passé esclavagiste de la France d’avant la République. Ce passé nourrit des « identités traumatiques », selon l’expression d’Olivier Pétré-Grenouilleau, auxquelles la réponse à donner n’est pas simple. De la nécessité, face au défi qui s’annonce, d’une analyse en profondeur des tenants et aboutissants du phénomène.
L’affaire du voile a été, plus de dix ans durant, l’un des principaux abcès de fixation autour desquels s’est opérée la négociation du pluralisme culturel à la française. Yolène Dilas-Rocherieux revient ici sur la nature des motivations qui soutiennent la revendication des jeunes musulmanes. Car la bonne démarche, là aussi, n’est-elle pas, antérieurement à la discussion sur les principes, de savoir en quoi consiste exactement le problème que les principes ont charge de régler ? Peut-être est-ce l’avantage du modèle républicain que d’appeler ce travail d’élucidation et de le faire entrer en ligne de compte.
Articles du dossier Problèmes du multiculturalisme à la française
- Olivier Pétré-Grenouilleau, « Les identités traumatiques »
- Yolène Dilas-Rocherieux, « Tradition, religion, émancipation »