Officiellement, tous les augures nous l’assurent, la crise est terminée, ou sur le point de se terminer. Les économies sont en passe de retrouver leur cours normal, et, à quelques correctifs près, les choses vont repartir comme par-devant. C’est le point qui mérite d’être discuté. Il se peut en effet que l’intervention financière massive des gouvernements ait réussi à contrecarrer le gros de la dépression. Mais elle a aussi créé, par son ampleur, une situation inédite qu’il faut examiner pour elle-même. Une situation autrement mais non moins problématique que la précédente. Elle est la clé de ce qui va suivre, comme le montrent plusieurs des articles réunis ici. Sans parler du fait que l’analyse exacte de ce qui s’est passé reste à faire, avant de tourner précipitamment la page, comme on nous y invite. Qui pourrait croire que les mêmes causes produiront à l’avenir des conséquences différentes ?
Et si le sauvetage du capitalisme financier par les États avait en fin de compte fait apparaître les limites du système ? Ne sommes-nous pas devant quelque chose comme une sortie du cadre classique du capitalisme ? demande Paul Jorion. En prenant les mêmes données sous un autre angle, Jean-Luc Gréau fait ressortir la nécessité d’une reconstruction du système bancaire sur de nouvelles bases.
De quoi la crise est-elle au juste la crise ? Se réduit-elle au système financier, ou celui-ci a-t-il fonctionné comme le détonateur d’une crise plus profonde ? La crise concerne également le système technique, plaide Michel Volle. Il met en lumière les déséquilibres entraînés par l’irruption de l’informatique, dont nous sommes loin de maîtriser les effets.
Une partie non négligeable du problème, s’agissant du système financier et des réformes à y introduire, tient aux connexions étroites qui se sont nouées aux États-Unis entre les banques et le personnel politique. Simon Johnson jette un coup de projecteur sur le mode de fonctionnement qui a conduit au krach et qui continue de peser sur la définition des remèdes.
Quel pourrait être l’après-capitalisme qui semble à certains égards se dessiner ? Geoff Mulgan en propose une esquisse.
Mais au total, par-delà l’économie, n’est-ce pas le rapport problématique de nos sociétés au réel que la crise a fait surgir au grand jour ? Là ou Guy Debord incriminait jadis la « société du spectacle », c’est de « société de fiction » qu’il convient désormais de parler, suggère Jacques Baynac.
Articles du dossier Quel après-crise ?
- Paul Jorion, « La sortie du capitalisme »
- Jean-Luc Gréau, « Pour un nouveau système bancaire »
- Michel Volle, « Une crise peut en cacher une autre »
- Simon Johnson, « Coup d'État en douce »
- Geoff Mulgan, « Après le capitalisme »
- Jacques Baynac, « La société de fiction »